Un malaise croît dans les villes touristiques. Depuis quelques décennies, la ville bretonne de Douarnenez attire des touristes de plus en plus nombreux·ses : des Parisien·ne·s, des Nantais·es ou des Rennais·es, plutôt aisé·e·s, friand·e·s de crêpes et de kouign aman, dégustés lors d’une balade sur le charmant port de pêche, logeant pour le moment dans un meublé touristique loué sur Airbnb, mais rêvant d’acquérir une résidence secondaire sur le front de mer… Un développement touristique activement encouragé par la municipalité, qui rêve de capter les revenus que pourraient apporter un tourisme de « haut standing ».
Le revers de la médaille, ce sont les Douarnenais·e·s qui le subissent : les loyers montent, alors que la ville est plus pauvre que la moyenne ; iels sont contraint·e·s d’accepter des conditions de logements dégradées, comme des baux « saisonniers » illégaux, de septembre à mai ; ou de se contenter de solutions d’urgence qui s’éternisent (camping, hébergement chez un proche). En parallèle, les petits commerces et les bistrots dépérissent, au profit de restaurants ouverts seulement l’été, pour les touristes. Douarnenez hors-saison n’est pas une ville « morte », en tout cas pas encore, car les habitant·e·s à l’année résistent, mais le spectre de la voir se transformer en « station touristique », en une sorte de Disneyland breton entièrement conçu pour satisfaire la paradoxale quête « d’authenticité » des touristes, pèse sur tous les esprits. Tant de villes bretonnes ont déjà rejoint la « France des volets fermés », celle qui ne vit plus hors de la période estivale, comme Carnac et ses 70% de résidences secondaires…
Le Collectif Droit à la ville Douarnenez réunit des Douarnenais·e·s engagé·e·s contre ce prétendu destin. Iels ne s’opposent pas au tourisme, mais à un certain modèle de développement touristique visant à encourager l’appropriation des espaces désirables (les littoraux, les ports, les plages, les centres-villes...) par des populations aisées, absentes la majeure partie de l’année. Iels posent une alternative, réalisable s’il l’on se bat pour la faire advenir : faire de Douarnenez une ville aussi accueillante pour les touristes que pour les migrant·e·s et les précaires, où les loyers sont strictement encadrés, dotée d’un parc HLM renouvelé, de qualité et implanté notamment sur les littoraux, où les squats inventent d’autres manières de vivre, bref, une ville radieuse, contestataire et qui affirme haut et fort le « droit à la ville » de chacun·e, ce droit d’accéder pleinement à la ville et à ses activités, défini en 1972 par le géographe marxiste Henri Lefebvre.