"Au Japon, la vie d'un vase ne prend pas fin une fois en miettes. L'objet accidenté, céramique ou porcelaine, peut même y gagner. C'est l'art de recoller les morceaux. Le kintsugi consiste à ressouder les fragments" écrit Élise Goldberg. Le vase brisé symboliserait l'histoire de sa famille. Mais pour la reconstruire, il ne suffit pas de recoller les pièces ; il faut d'abord retrouver les morceaux, dispersés au fil du temps.
Dans son premier roman, à l'instar d'un archéologue, l'autrice explore ses origines juives. L'histoire commence par "gefilte fish" - la fameuse carpe farcie du titre de son roman. Ce n'est pas la première fois dans la littérature que la cuisine vient au secours de la mémoire. Et à travers de petits brins de saveurs sauvés, ou de couleurs, même si elles ont bien pâlies, accompagnées de quelques mots yiddish et de rares sonorités, le lecteur devient le vrai complice de la narration. En écho des anecdotes de la vie de ses ancêtres – les histoires du quotidien, banales et exotiques à la fois, on apprend le destin tragique de cette famille et de tous les juifs du début du XXème siècle. Ces héros n'affichent pas d'éclat, ils portent des souliers achetés en solde, et des lunettes un peu ternies. Ils sont parfois petits, chauves ou ventrus, un peu comme tout le monde. Cela pourrait arriver à n'importe qui d'être un jour comme eux, nomades forcés et tiraillés par les vagues de l'histoire. Une histoire personnelle qui devient universelle. Un livre poétique et émouvant. "Un plat" bien composé dont on se souvient encore longtemps après.